J’aurais voulu avoir le talent de Maylis Besserie pour vous raconter notre rencontre d’hier autour de son roman sur Samuel Beckett, Le Tiers Temps.
Je vais me contenter de vous dire de lire son livre qui vient de se voir décerné le Prix Goncourt du premier roman 2020.
En ce roman, né de la passion de l’auteur pour la littérature irlandaise, Maylis fait dialoguer l'expérience biographique de l’écrivain, Sam, sur la fin de sa vie au Tiers Temps (un EHPAD) avec la thématique majeure de son œuvre : la difficulté de vivre et l'attente de la fin. Beckett devient un personnage de son propre théâtre. J’ai aimé ces monologues imaginaires du journal intime de Beckett où alternent l’évocation du quotidien au Tiers Temps, les réminiscences de May, la mère et les souvenirs de sa chère patrie, l’Irlande.
Le blasphème c'est la convention de départ, nous dit Maylis Besserie, qui nous confie que pour écrire ce roman, elle s’est inspirée des sons comme d’un prolongement de la radio (elle est Productrice à France Culture ) : quand on est seul dans un EHPAD, le monde vient à soi à travers le son.
Vous avez été saisis comme moi par sa sensibilité et sa connaissance intime du monde de la vieillesse.
La semaine prochaine, jeudi 21 mai, nous serons à 18h avec Murène,le treizième roman de Valentine Goby.
“À l’origine du roman, l’image du champion de natation Zheng Tao jailli hors de l’eau aux Jeux paralympiques de Rio en 2016, qui flotte en balise cardinale parmi les remous turquoise. Je contemple l’athlète à la silhouette tronquée, son sourire vainqueur, sa beauté insolite. Autour, les gradins semi-vides minorent cette victoire. Je m’aperçois que j’ignore tout de l’histoire du handisport, ce désir de conformité avec les pratiques du monde valide en même temps que d’affirmation radicale d’altérité, qui questionne notre rapport à la norme. À travers le personnage de François, sévèrement mutilé lors d’un accident à l’hiver 1956, Murène en restitue l’étonnante genèse.
Mes romans s’attachent souvent à des personnages en résistance, luttant obstinément contre les obstacles, dont ils viennent à bout. François est de ceux-là, seulement la volonté ne suffit pas. À une époque où balbutie encore la rééducation, et où l’appareillage ne parvient pas à compenser les manques de son corps, l’imagination est encore le plus puissant recours contre le réel, que François tente de plier à ses désirs.
Mais Murène est moins l’histoire d’un combattant que d’un mutant magnifique : la transformation profonde d’une identité et d’un rapport au monde quand l’obstacle devient chance de métamorphose. Le handisport en sera l’artisan, qui substitue alors à l’idée de déficience celle de potentiel, une révolution du regard et de la pensée. Dans l’eau des piscines, François devient semblable aux murènes, créatures d’apparence monstrueuse réfugiées dans les anfractuosités de la roche, mais somptueuses et graciles aussitôt qu’elles se mettent en mouvement.
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