C'est grâce à l'essai que Hubert Haddad a consacré à Julien Gracq "La forme d'une vie" réédité par les éditions Zulma, que j'ai eu le bonheur de rencontrer cet écrivain qui m'a tout d'abord touchée par la beauté de son écriture, par cette sensibilité qu'il semble revendiquer, et par cette émotion qu'il ose dévoiler. Le lire m'a permis de mieux préparer les ateliers d'écriture que j'ai animés à Saint-Florent le Vieil, ville natale de Julien Gracq.
Depuis, j'ai découvert le "Nouveau Magasin d'Ecriture" où il a réuni pour nous plus de mille et une ouvertures pour écrire. Je pense qu'il nous faudra longtemps avant d'épuiser tous les possibles qu'il nous offre.
Enfin, j'ai eu la chance de le rencontrer, et j'ai été réellement surprise par son humilité, sa gentillesse et sa générosité.
Ce sont tous ces aspects que j'ai eu le désir de partager avec vous tous, nous parlerons de son oeuvre, de sa poésie et de l'Ecriture, cause et objet de nos rencontres.
Citation :
"Tout commence à la seconde
je ne veux me souvenir de rien
rien des anciens corps
les visages connus se sont rétractés
comme des fleurs de trèfles ou de pissenlit
mains et lèvres se sont détachées de moi
tous les regards ont séché avec les ombres
des vivants et des morts
pour l'heure, des insectes transparents remplacent les concepts
des éphémères habillent l'espace
je voudrais brûler les vieux registres à même la mémoire
incendier d'un même geste l'album écorné des distances
et le répertoire des disparitions
que les flammes lisent en moi leur cendre
seul enfin, dépeuplé, dans l'abandon irrésolu
j'attendrai l'ingénuité des limons
et le temps s'épanouira à hauteur des soleils
mélodie plus dépouillée qu'un râle d'agonie
après les mille naissances
dans la nuit blanche
éternité."
in "Oxyde de réduction" Dumerchez 2007
-------
N.B. Si vous le pouvez, allez sur le site de Zulma, auteur Hubert Haddad et vous aurez plus d'informations sur lui, ainsi qu'un atelier d'écriture à suivre pour le plaisir.
-------
Hubert Haddad (notes relevées sur le site de Zulma)
Nomade de la littérature, se laissant porter là où son imagination le pousse, sa langue est riche, puissante, imagée, exigeante. L’essentiel aujourd’hui, c’est de bouleverser le regard. Bouleverser est peut-être le maître mot d’Hubert Haddad, un écrivain rare qui tend les bras vers des chimères et s’empare violemment de la vie.
Parmi ses derniers ouvrages parus : Oxyde de réduction, Dumerchez Juin 2007, Oholiba des songes, Zulma mars 2007, Le Cimetière des poètes (Le Rocher), le Camp du bandit mauresque (Fayard) et, chez Zulma, le Nouveau Magasin d'écriture , véritable manuel d'écriture et de littérature en action, qui enchantera tous les passionnés de littérature .
Biographie
Né en Tunisie le 10 mars 1947 d'un père autochtone alors tailleur de pierre et d'une mère d'origine algérienne qui souffrait de troubles de l'identité, Hubert Abraham Haddad viendra à la littérature par nécessité vitale, pour faire des abîmes de la symbolisation un projet salvateur, pour donner une apparence de forme au sentiment d'exil d'un judéo-berbère sans autres attaches que la langue française. Déraciné dans un taudis de Ménilmontant dès l'âge de quatre ans, écolier désastreux noyé dans l'encre la plus noire, enfant esclave contraint au service d'un père devenu marchand forain, il s'émancipera grâce à la poésie découverte en même temps que l'école buissonnière.
Malgré tout bachelier en candidat libre, il erre entre les barricades de mai 68 et les couloirs moroses des facultés. Tour à tour marchand d'oublies, pâtissier oriental, instituteur, forain, O.S. dans un abattoir de chevaux, éducateur de rue, colporteur en stylos à bille, il fonde en parallèle des revues littéraires où sont publiés des textes rares d'auteurs alors en marge comme Stanislas Rodanski, Charles Duits ou Michel Fardoulis-Lagrange. Le suicide du peintre Michel Haddad, son frère aîné, et quelques autres catastrophes intimes le conduiront à s'isoler longtemps en province, en Picardie puis en Normandie, dans l'amitié salvatrice de quelques peintres, écrivains et poètes.
Dès lors, à la manière du héros d'une de ses nouvelles, L'homme des gares, il ne quittera plus guère les trains, d'une ville à l'autre, par goût nomade et pour la conduite d'ateliers d'écriture dans les écoles, les prisons, les centres sociaux et les hôpitaux où il partage l'enchantement de la langue dans une confiance entière pour la fragilité créatrice de l'être humain.
Depuis 1974, sous son nom ou celui d'un pseudonyme occasionnel, paraîtront sans discontinuer poèmes, romans, nouvelles, pièces de théâtre, essais sur la littérature et sur l'art. Sans grand souci de carrière, sachant que tout instant est appel du néant, Hubert Haddad ne se sera jamais passionné que pour l'inconnu, loin des faux enchantements. Pour l'auteur de l'Univers, roman dictionnaire, écrire est une aventure totale qui implique tous les genres et tous les arts, avec pour seul enjeu la liberté.
(notice du Dictionnaire des écrivains par eux-mêmes de Jérôme Garcin, éditions Mille et une nuits)
Commentaires