Un étrange pays
Il faut se représenter ce qu’est habiter la province de la vie et de la mort. C’est un étrange pays et seuls sont stratèges ceux qui en parlent la langue. Ils ont à s’adresser aux vivants et aux morts comme s’ils ne faisaient qu’un seul être et Alejandro connaissait cet idiome. Enfant, quelque chemin qu’il foulât, il était irrésistiblement ramené aux murs du cimetière de Yepes. Là, parmi les pierres et les croix, il sentait qu’il retrouvait les siens. Il ne savait pas leur parler mais la paix de l’endroit bruissait pour lui de paroles. Au reste, même quand cela ne signifiait rien, la musique des morts l’atteignait en un point de la poitrine qui comprenait sans mots.
Le mardi 12 mars à 19h30
Muriel Barbery, sera heureusement avec nous pour nous guider dans la lecture de son étrange monde. Un étrange pays est son quatrième roman après Une gourmandise (2000), L’élégance du hérisson (2006) et La vie des elfes (2015)
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Il m’est difficile de trouver les mots les plus justes pour dire notre soirée autour de Muriel Barbery.
Nous étions dans d’autres sphères en compagnie de François Cheng, Julien Gracq, Tolstoï, Margaret Mitchell, Lao Tseu, Wagner, Mozart….Ivres de vin et de thé millénaires.
De l'Europe à l’Asie, nous avons traversé Un étrange pays où la nature est écriture à déchiffrer, où le contraire est encore le même. Nous avons rencontré des elfes attablés à l’équerre de l’infini, nullement déroutés par l’immense. De l’autre côté du pont rouge, nous avons siroté avec Muriel un thé au pied de la démesure et tenté de saisir l’ossature de la Beauté qui rend le regard à jamais autre.
On y goûtait l’affabilité des jours et le délassement des crépuscules, rien ne changeait, rien ne devenait, le thé se buvait, l’univers se reposait.
Personne n’entend ce qui advient dans la fulgurance d’une rencontre - l’éternité s’y contracte jusqu’au vertige divin puis requiert le temps d’une vie pour se redéployer dans la durée des humains.
Cette terre invisible, sans sol ni frontières, a pour nom le continent féminin.
Tout récit majeur est l’histoire d’un être qui quitte la désolation de soi pour embrasser le vertige de l’autre et, de cette absence à soi à laquelle il consent, embrasse enfin le merveilleux d’exister.