Le jeudi 20 septembre, nous étions très nombreux autour d'Annie Cohen. Certains pour la découvrir, d'autres pour la retrouver. Sur les murs, comme prévu, étaient exposés quelques uns de ses tableaux, rouleaux d'écriture et peintures à l'huile.
Ils nous disaient clairement combien écriture et peinture procèdent chez Annie Cohen non seulement d'une même démarche intellectuelle mais aussi et surtout d'un même geste, d'un même mouvement de la main, qui va parfois remplir une page, des pages blanches et d'autres fois répéter, recommencer à l'infini,ce geste rituel qui tente la perfection.
Annie nous a longuement entretenus de sa démarche, de cette vie consacrée à l'écriture, de la naissance de ses sujets. Un à un, chacun de ses livres présents sur la table, fut évoqué, de "La dentelle du cygne" à "La géographie des origines"... Nous aurions pu rester des heures à l'écouter religieusement, autour de la poésie, cette religion universelle qui va peut-être un jour conjuguer les différences.
Citations :
«Je fuis encore devant ces histoires de racines ! Ce qui importe, c'est la plante qu'on devient ! Oui, j'ai tiré un trait sur une histoire somme toute banale pour la Juive que je suis. Je renoue avec un passé ancestral. Ce n'était pas le premier exode, ni peut-être le dernier. Nous arrivions en France, en 1962 comme de nombreux Français d'Algérie. Je me souviens avec force des escaliers mécaniques d'Orly. Paris allait bercer mon coeur, rassasier mon corps troué. J'allais apprendre à oublier l'exubérance, opter corps et âme pour les couleurs d'ombre, sans excès, stables qui, unifiant le paysage, pansaient toutes les blessures, les accidents. Marcher dans des allées bien dessinées, se conformer au décor mis en place de longue date, épouser les monuments. Le paysage nous clouait le bec. L'harmonie générale convenait à merveille aux exilés de la terre. La passion d'un piéton purifie la nuit de tous les cauchemars. Son ombre se profile sur les murs de la ville. L’histoire parle avec émotion au promeneur solitaire. J'aimais Paris comme on aime sa chance.»
« Quelque chose en moi cherche à écrire, confusément, indirectement, quelque chose en moi cherche à retrouver le chemin de l’écriture, grands moments de stérilité, traversée du désert. Ce n’est pas nouveau, aucune trame narrative, et cependant amour fou des mots et désir d’écrire, de former des mots les uns sur les autres, collés les uns aux autres, pour en faire une longue bande illisible. Plus que jamais, je dois me jeter dans l’écriture, former des mots, pour les mots, pour le seul plaisir de le faire, sans autre exigence que celle de dérouler un fil, le fil de l’écriture.» p.32 de La dure-mère.
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