Lire Julien Gracq c’est réaliser avec surprise que l’on peut écrire un roman sans qu’il soit porté par une histoire, que l’on peut délivrer une pensée sans discourir, que l’on peut s’intéresser à des personnages principaux, les comprendre et ressentir pour eux de la sympathie sans pour autant en faire des héros.
Lire Julien Gracq c’est aussi découvrir que pour écrire, il nous faut réapprendre à regarder, observer, lire et interpréter un espace, une image, une vision, un spectacle où rien ne se passe mais à travers lequel tout reste à découvrir puisque ce sont les traces qui révèlent le plus important.
" Quand il n'est pas songe, et comme tel, parfaitement établi dans sa vérité, le roman est mensonge."
"Si je voyais lucidement mon livre, ses motifs profonds, je ne l'aurais pas écrit."
"Depuis que son train avait passé les faubourgs et les fumées de Charleville, il semblait à l'aspirant Grange que la laideur du monde se dissipait."
Julien Gracq
Lire Julien Gracq c’est repenser l’écriture autobiographique, celle qui va rechercher non seulement dans le vécu, après l’avoir soumis à un filtre très sélectif, mais dans l’appris et l’acquis, cette matière qui va nourrir toutes les formes de narration. C’est également comprendre la nécessité de cette distance à maintenir pour que l’écriture soit.
Lire Julien Gracq, c'est aussi retrouver la nature, (lieu où "se produit l'apparition"), dans sa splendeur et sa fragilité, dans sa permanence et ses métamorphoses incessantes, mais aussi et surtout dans ses effets sur l'homme, cette "plante humaine", " cet être constamment replongé dans ses eaux profondes"
L’espace de ces trois jours, je vous propose de retrouver à travers son roman « Le Rivage des Syrtes », sa nouvelle « La presqu’île » et son récit « Le Balcon en forêt » ces chemins d’écriture qui peuvent nous donner de précieux appuis pour écrire à notre tour.
Puisque « tout livre pousse sur d’autres livres, et peut-être que le génie n’est pas autre chose qu’un apport de bactéries particulières, une chimie individuelle délicate, au moyen de laquelle, un esprit neuf absorbe, transforme, et finalement restitue sous une forme inédite non pas le monde brut, mais plutôt l’énorme matière littéraire qui préexiste à lui »
CITATIONS DE JULIEN GRACQ,
Il aurait fallu recopier des pages et des pages de ses oeuvres pour donner une idée de toute la musique de son écriture, je préfère vous recommander d'aller le lire, et je vous propose ici quelques phrases concernant spécifiquement l'acte d'écrire.
« Décrire c’est substituer à l’appréhension instantanée de la rétine une séquence associative d’images déroulée dans le temps […] la description c’est le monde qui ouvre ses chemins, qui devient chemin, où déjà quelqu’un marche ou va marcher »
« J’écris comme tout le monde, en commençant par le début et en finissant par la fin »
"La trace sinueuse du voyage de l'auteur à travers le désert des pages blanches, vous ne pourriez l'expliquer qu'en tenant compte non seulement de l'échelonnement des puits auxquels il a bu, mais des mirages vers lesquels il a si souvent marché."
"Cherchez, ... suivez la trace de ses livres vains, abolis, inanes, qui ont poussé la navette pendant que se tissait le livre réel."
« Un élément essentiel risque de manquer toujours à la critique littéraire… , sur lequel l’écrivain seul pourrait renseigner ---- ce sont les fantômes de livres successifs que l’imagination de l’auteur projetait à chaque moment en avant de sa plume, et qui changeaient, avec le gauchissement inévitable que le travail d’écrire imprime à chaque chapitre …"
« A chaque tournant du livre, un autre livre, possible et même souvent probable, a été rejeté au néant. »
« Le « procédé » pour un écrivain, c’est ce qui ne se choisit pas. »
« Quand tout aura été dit sur le roman, ses droits et ses devoirs, il restera que lire un roman, c’est croire d’une certaine manière à ce qu’il raconte, et cette créance le romancier ne l’obtient que s’il prêche d’exemple…… qui suppose une certaine ingénuité d’âme… et même un certain refus de la lucidité »
« Comme un organisme, un roman vit d’échanges multipliés : c’est le propos d’un des personnages qui fait descendre le crépuscule et la fraîcheur d’une matinée qui rend soudain l’héroïne digne d’amour… »
Liens très utiles :
Le site de son éditeur José Corti , http://www.jose-corti.fr/auteursfrancais/gracq.html
Le site de François Bon
Le site de Jean-Michel Maulpoix, www.maulpoix.net
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